Scénariste
Rossi
Nom du scénariste
Dessinateur
Rossi
Coloriste
Rossi
Edition
Casterman
Date de sortie
11 novembre 2023
C’est le dernier souffle, le dernier sursaut avant que ne disparaisse la mémoire du peuple étouffée par l’homme blanc. Les Apaches ne veulent pas mourir dans les cendres du néant. Cette histoire commence par une faute, un ours debout met à terre le jeune Woan. Il est banni de la tribu car il porte désormais une malédiction. On ne tue pas un ours debout, même pour sauver son ami. Woan devra apprendre à survivre pour ne pas mourir, au cœur des sables brûlants du désert, entre l’Amérique et le Mexique. L’attend un long apprentissage qui fera de lui un fier guerrier car la malédiction porte en elle les germes de la bénédiction. Il croise la route d’un homme qui ne craint pas l’ombre noire qui l’accompagne, ni son fantôme, sa médecine est bien plus puissante. Geronimo devient un mentor pour le jeune Woan qui a beaucoup à apprendre. Il rencontrera le guerrier chaman de nombreuses fois, comme un passage obligatoire pour grandir. Il participera à certaines de ses campagnes contre l’homme blanc, bien plus maudit que lui. Il manque une femme, Lozen, son double, son yin, la pluie qui féconde la terre stérile. C’est l’histoire de Woan qui verra un peuple qui ne veut pas mourir se relever et chanter de nouveau dans l’or du désert, entre sable et soleil.
Rossi s’intéresse particulièrement aux Apaches du territoire de l’Apacheria qui s’étendait de l’Arkansas au Mexique en passant par le Nouveau-Mexique et le Texas. Le récit aborde plus particulièrement le peuple des Chiricahuas et la période de la fin du XIXe et début du XXe siècle. Les plus connus sont Cochise, Geronimo, Victorio, Naiche, fils de Cochise, Lozen, sœur de Victorio. Rossi nous livre sans doute son œuvre la plus personnelle qui déjà courait en toile de fond dans ses partenariats avec ses scénaristes. C’est l’occasion d’incorporer habilement la fiction à travers le personnage de Woan, métaphore du peuple Apache et de son histoire, entre malédiction et espérance. Il trace le cercle sacré des traditions de ce peuple guerrier, loin de l’image d’Epinal et de la campagne pour les dénigrer des Etats-Unis. C’est un voyage sur une page marquante de leur histoire à travers Geronimo et la dernière résistance. Petite parenthèse, les Nednis sont peut-être la dernière tribu amérindienne à se rendre. Jusqu’en 1935, ils continuent de mener des expéditions en territoire américain. C’est l’occasion pour Rossi de se lancer dans un travail remarquable de maitrise, avec ses planches repoussant le cadre pour exploser comme mille soleils. Les scènes de batailles avec leurs nombreux chevaux, sont une belle leçon d’anatomie et de perfection du mouvement pour les humains comme pour les animaux.
Le récit ne se contente pas de graver la grande Histoire avec Geronimo et Lozen, mais il plonge aussi dans l’intime. L’émotion gagne le lecteur faisant de lui, non plus un spectateur mais une partie prenante de l’histoire. Dès la première page, avec ce paysage de pierre et de sable aux couleurs du soleil, nous plongeons dans ce vide qui contient tout. Les visages, les regards prennent des allures de photos, capturant l’instant présent. Les animaux ne sont pas en reste, avec toute une faune que l’auteur prend plaisir à croquer. Les thématiques de Golden West sont nombreuses, retour sur l’animisme, l’écologie loin de la mode, l’étranger, les traditions autres, la guerre, l’amour, le pardon et la faute, la survie. Nous pourrions encore en développer de nombreuses autres tellement l’album soulève de questions. Il reste très moderne et d’actualité pour mieux méditer sur le monde d’aujourd’hui. Les couleurs, en majorité sable, ocre, brun de la terre, transparence de la pluie et parfois un morceau d’azur, ce dernier est peut-être la symbolique d’un avenir inaccessible. Rossi confirme son immense talent d’auteur et de dessinateur avec Golden West, déjà à l’œuvre dans Jim Cutlass, W.E.S.T, Le Cœur des Amazones, et La Ballade du soldat Odawaa. Pour nous, il est, comme Georges Bess, un des géants de la bande dessinée qui continue à repousser les limites à chaque aventure.
Patrick Van Langhenhoven