Scénariste
Herik Hanna
Déssinateur
Hervé Boivin
Coloriste
Gaétan Georges
Edition
Delcourt
Date de sortie
8 novembre 2023
C’est un hôtel de luxe perdu en pleine montagne dans les Alpes, loué à la fin de la saison pour une rencontre et un diner particulier. Un maître assassin, l’Hydre, dont personne ne connait le visage, invite dans ce clandé perdu les pires criminels du moment. Les cadors du meurtre sous tous les angles se réunissent pour un rendez-vous particulier. Cette bande de salopards de l’ombre n’a qu’une obsession, comme Iznogoud, devenir calife à la place du calife. Pour cela, ils devront après bombance s’entretuer par tous les moyens possibles. Chacun possède ses choix sur l’arme et la manière de prédilection pour parvenir à ses fins. Ces hommes sans cœur viennent de tous les milieux, anciens flics, soldats reconvertis, agents du gouvernement, Morfalous, Apaches, tout ce qui est prêt à vendre son âme au diable pour bien plus que trente pièces d’argent. La nuit sera chaude et au petit jour, comme dans Highlander, il n’en restera plus qu’un ou zéro. Pour l’instant, comme à une réunion d’anciens élèves, on fait le point sur son palmarès et ses petites manies.
On sent le vent de la série B quand elle envoie du lourd sur l’écran noir de nos nuits blanches. Herik Hanna sait nous entrainer dans des univers solides pour une balade qui n’est jamais de tout repos. Nous retrouvons son style particulier, mélange de cinéma et de comics éclatant les codes d’un genre qui semble noir et blanc. Ces récits côtoient souvent les univers, du polar, de la science-fiction et même, dernièrement, animalier dans la lignée des Cinq Terres avec Le royaume sans nom. Il sait très vite s’émanciper des codes pour rebâtir un monde plus personnel avec une bonne dose d’action. Douze n’échappe pas à la règle, entre John Wick et Highlander pour une balade mortelle sur la piste blanche. Non seulement il soigne ses atmosphères, s’émancipe rapidement des stéréotypes pour construire une histoire presque familiale et sociale dans la première partie. On discute de tout et de rien dans les salons cossus de cet hôtel quatre-étoiles. Cette famille peu ordinaire ne parle que de meurtres et du passé des convives.
Les dialogues fouillent les âmes pour nous dévoiler des personnalités multiples. La violence cache d’autres sentiments, plus communs, d’une vie à chercher un idéal où la mort serait absente. Hanna dessine une toile d’araignée qui nous réserve bien des surprises jusqu’au coup de théâtre final. On est dans une tragédie antique aux allures de shakespearienne, comme pour Le royaume sans nom. La deuxième partie bascule dans la violence et le carnage aux couleurs baignées de sang et du vert d’outre-tombe. Il utilise le temps avec ses horloges égrainant les cadavres, Ankou glaneur de l’enfer. Hervé Boivin, le dessinateur, ne se laisse pas emprisonner dans ce huis clos particulier. Il s’appuie sur des pages plutôt classiques ainsi qu’une double marquant l’arrivée à l’hôtel. C’est une symphonie de plans larges, inserts, et gros plans des visages. Les scènes d’action sont un mélange de comics et de bande dessinée franco-belge. Les décors sont sobres pour laisser toute la place aux protagonistes de ce duel enneigé. Au final, c’est un travail soigné qui nous offre une balade mortelle s’achevant, comme dans tout bon polar, par sa résolution finale pleine de surprises.
Patrick Van Langhenhoven