Scénariste
Philippe Thirault
Déssinateur
Gilles Mezzomo
Coloriste
Céline Labriet
Edition
Glénat
Date de sortie
14 juin 2023
Cette histoire s’enracine, comme le cactus du Mexique, dans son désert près des haciendas, des vaqueros et leur hacendado. Un puma rôde dans la chaleur étouffante, caché parmi les rochers brûlants. Un tueur sanguinaire, monstre assoiffé, traque les femmes et les enfants apaches pour une poignée de scalps. Un fils, déshonneur son père, allume la petite braise qui transformera en un brasier, en une apocalypse. Un père tient l’honneur comme un soleil, au-dessus de tout, chauffant la plaine fumante. Dans ce brasero de douleur, d’hommes d’honneur, d’hommes sans foi ni loi, d’Apaches, de puma, qui est pire que la bête ? Dans ce paysage de lumière, leurs âmes sont bien plus noires que celle de Satan. Il reste les femmes, sauvage comme Chenoa, vierge comme Joselita, mère comme Doña Maria. Elles sont l’opposé des hommes noyés dans la violence. Elles sont Doña Maria, la mère éplorée, la madone aveugle, au pardon étouffant les feux brûlants. Elles sont Joselita, candide, bafouée par ce monde plus sauvage que le puma. Elles sont Chenoa, fille d’un chef apache, violentée, vierge pour peu de temps. Il reste la braise et rien ne peut éteindre l’incendie quand il sacrifie, au vent sauvage, l’innocence.
« Mon père a dit que je n’étais plus son fils. Il m’a chassé du monde des humains. Et cela me va bien. »
L’honneur, l’innocence, cherchent à survivre dans ce western nihiliste, christique, portant l’ombre de la tragédie antique, que rien ne rachète. Le puma n’est que le miroir de la cruauté des humains qui se dévoile au fur et à mesure. La folie prend bien des aspects, l’honneur de Don Armando, sublimé, sacrifiant tout sur son autel. Il est la justice, la loi aveugle, condamnant avant de juger, même un fils. Don Diego est accusé du pire crime, le viol de la jeune vierge Joselita. Il est condamné aux sables du désert, sans espoir de survie. Le diable s’en mêle et révèle la face sombre des hommes qu’il attend dans son royaume. Il ne faudra plus se fier aux apparences mensongères. Doña Maria choisit de le suivre, figure de la madone se sacrifiant pour son fils, porté déjà sur la croix. Pour Philippe Thirault, l’histoire n’est pas suffisamment sombre. Rien ne semble racheter les hommes de ce récit d’enfer. Il plonge sa plume dans les ténèbres les plus profondes, fait tomber les masques, dévoile des visages angéliques aux couleurs de démon. L’animal, la bête, la nature sauvage, impardonnable, apparaissent bien plus comme un paradis face aux hommes qui violent la terre et ses filles. Les sauvages, rudes comme le désert, sont bien plus humains que ces fils de Dieu réclamant le pardon sur sa croix.
Aucun n’est rachetable aux yeux de l’ange et la madone ne pourra fermer les yeux continuellement. Les brasiers s’allument, l’incendie fait rage et balaye l’horizon jusqu’au cœur de la ville. Les femmes n’auront de rédemption que l’oubli et la mort car ce monde porte déjà l’empreinte de l’enfer. Le dessin de Gilles Mezzomo, mélange d’Antonio Hernández Palacios et de Giraud, porte les traits vifs de la violence jusque dans les visages des hommes. Seules les femmes offrent un contraste de lune à cet horizon de nuit. Le puma rôde bien plus que dans la montagne en harmonie avec le paysage. Il n’est pas la bête immonde nichée dans le cœur des protagonistes de cette histoire que rien ne sauve du néant et du chaos. Ce dernier, sous la plume du dessinateur, nous offre l’ocre et le sang de la vie dans cette terre aride. Les Apaches sont à l’image du puma, défendant leur terre pour une vie bien meilleure que celle des Blancs. On comprendra à la dernière image que ces cœurs souillés se nichent dans l’ombre, portant dans de vieilles couvertures, à la nature et ses habitants Apaches, la marque du diable. On pense au Méridien de sang de Cormac McCarthy, et plus récemment Loin en amont du ciel de Pierre Pelot, portant les mêmes blessures. C’est bien plus que brillant.
Patrick Van Langhenhoven