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La Buse : La chasse aux trésors et Pour L’éternité

Scénariste

Jean-Yves Delitte

Déssinateur

Jean-Yves Delitte

Coloriste

Douchka Delitte

Edition

Glénat

Date de sortie

23/11/2022 – 29/11/2023

chroniques la buse couverture 2
chroniques la buse

« Et une bouteille de rhum pour le capitaine du navire ! »

Olivier Levasseur est plus connu sous son nom de forban des mers, La Buse. Cette histoire commence par une pendaison, le 7 juillet 1730 à Saint-Paul de l’île Bourbon (actuelle île de La Réunion) pour crimes de piraterie. Nous remontons le temps pour découvrir l’un des hauts faits d’un homme qui n’en manquait pas. C’est une vierge qui portera chance à notre sacripant. Pour l’instant, elle mouille en rade de St Denis. Elle appartient au vice-roi des Indes orientales portugaises, Luís Carlos Inácio Xavier de Meneses, comte d’Ericeira. L’homme est un de ces princes rongés par l’orgueil et la suffisance, comme bien des nobles de l’époque. La Buse décide de s’emparer du navire amiral de la Marine portugaise, un 800 tonneaux de 72 canons. C’est une belle prise qui lui permet de se lancer sur les mers des Indes pour augmenter grandement son trésor. Il faut dire que les cales de l’imposant vaisseau étaient pleines de trésors que le vil coquin de sang noble ramenait au Portugal comme fortune personnelle. Pendant que tout le monde court après La Buse, ce dernier cache son butin dans une caverne sur une île oubliée, comme tout bon pirate. Dans ses rangs, quelques matelots murmurent que tout cet or serait bien mieux dans leurs poches. Tout est en place pour que le drame de la trahison, de l’arrogance et autres manipulations joue sa symphonie des embruns.

Yves Delitte, peintre officiel de la Marine belge, membre titulaire de l’Académie des Arts & Sciences de la mer, ne se contente pas de nous raconter moult batailles dans sa collection Les grandes batailles navales chez Glénat. Comme tout bon conteur, il sait nous entrainer sur d’autres rivages, mélangeant la vérité à la fiction. C’est le cas de l’histoire de ce pirate oublié dont on sait peu de choses. Olivier Levasseur est-il descendant du premier gouverneur de l’île de la Tortue, célèbre repaire de flibustiers ou d’un noble du Pas de Calais ? Il s’engage en piraterie sur la mer des Indes, les Caraïbes étant trop occupées. Le peu de renseignements que l’on possède nous vient en grande partie de Charles Johnson, peut-être un des pseudonymes de Daniel Defoe, l’auteur de « Robinson Crusoé« . Yves Delitte compose une ode à l’aventure et à la mer, un moyen pour lui de se lancer dans la reproduction fidèle des gréements de l’époque. Il sait doser le suspense avec une histoire peu banale qu’il traite dans la pure tradition du roman de pirates avec ces figures hautes en couleur. Il rend le personnage de La Buse sympathique, un homme rêvant grand, un château et une vie paisible sur le continent. Tous ces mauvais garçons braillards, buveurs et coureurs de jupons s’imaginaient une vie de rentiers. Les ports et rade secrètes nous entrainent dans un monde que nous arpentions du haut de nos culottes courtes, quand nos quenottes poussaient à peine. Les grands princes se révèlent stupides et suffisants, annoncent soixante ans plus tard la Révolution de 1789. Delitte croque avec bonheur ces trognes creusées par les tempêtes et burinées par le soleil qui tape chaud. Quelle joie pour les yeux que ces doubles pages de navires élançant leur mat vers le ciel, effleurant les flots.

On pense aux tableaux de l’époque qui ont sans doute inspiré le dessinateur pour ses compositions exceptionnelles. Yves Delitte se fait remarquer avec la série Donnington sur un scénario de Philippe Richelle. C’est un héros nonchalant qui semble se laisser porter par les vents alizés. C’est un mélange de Maigret et Hercule Poirot, confronté au meurtre. Il se veut romancier et surtout amateur de jolies femmes et de porto. On trouvait déjà, dans cette série, le vent de l’aventure et du mystère qui viendrait bien plus tard. Le talent se cachait déjà dans les pages et les personnages, et bientôt dans les intrigues qu’il écrira. Suivront quelques collaborations comme Les coulisses du pouvoir à l’aube de l’an 2000, Les Brigades du Tigre, Neptune déjà l’océan. Il s’acoquine avec un pirate, Black Crow. Il réalise sa version de Fantômas, Tanatos, surnommé « Le fils de la mort » ou encore « L’homme aux mille visages ». Par la suite viendront d’autres navires, l’Hermione, le Belém, le fameux Bounty. Il lance la collection des Grandes batailles navales chez Glénat. Cette dernière nous montre combien la mer, avant le pouvoir des airs, était et reste importante. Pour finir sur la série La Buse, les soleils ne sont jamais éclatants, les brumes et les nuits plus souvent de mise. Le sens du détail se retrouve sur chaque page, de l’animal aux navires en passant par l’humain avec aisance. Pour finir, l’Histoire retient surtout le fameux trésor que des chasseurs cherchent encore aujourd’hui. Le montant du butin s’élève à une belle somme, estimée au maximum à cinq milliards d’euros. La légende raconte que lorsqu’il était sur l’échafaud, il lança un cryptogramme dans la foule, un indice pour trouver son trésor. Il ne vous reste plus qu’à plonger dans les deux tomes de cette saga que l’on espère bien revoir un jour.

Patrick Van Langhenhoven