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La véritable histoire du Far-West – Little Big Horn

Scénariste

Luca Blengino et David Goy

Déssinateur

Antoine Giner-Belmonte

Coloriste

Chris Regnault

Edition

Glénat

Date de sortie

26/04/2023

master chronique little big horn couverture
master little big horn 1

Un homme essoufflé en bout de course arrive au fort avec la besace pleine de pépites d’or. Ce sera la grande ruée vers l’or au cœur du territoire sacré des Sioux. A Washington, le président Grant trouve là une opportunité et propose un marché de dupes aux Indiens pour acheter leur territoire sans leur consentement. Sitting Bull et ses braves décident de l’union sacrée, nous sommes en 1876. L’attaque du camp de Crazy Horse lance les hostilités. Le lieutenant-colonel Custer s’est mis dans de beaux draps en mêlant le frère du président à un scandale des affaires indiennes. Fougueux et ingérable, il plaide sa cause auprès du brigadier général Terry. Ce dernier ne peut se passer d’un homme tel que Custer et consent à le prendre sous ses ordres à condition qu’il modère son tempérament.

C’est donc à la tête du fameux septième de cavalerie qu’il se rend sur place. Un campement important vient d’être repéré au sein de la vallée de la Little Big Horn. C’est une occasion pour l’armée, ignorant que le temps des sauvages hurlant dans une pagaille impressionnante, sans ordre ni stratégie, est fini. Un plan rigoureux se met en place et chaque bataillon doit prendre sa position et la tenir. C’est sans compter avec le bouillonnant Custer qui décide de se lancer seul dans la bataille. Il espère, comme Napoléon, que les autres bataillons le rejoindront assez vite. Il espère sans doute avoir fini de mater ces sauvages avec le fameux septième de cavalerie et en retirer toute la gloire. Il sous-estime les forces en face un chef à la tactique imparable, Sitting Bull. C’est le carnage, suite à l’inconséquence d’un homme qui sera élevé en martyr. Nous sommes le 4 juillet 1876, le centenaire de l’indépendance aura un goût amer.

La nouvelle se répand comme un fleuve en furie à travers l’Amérique. On vient de découvrir de l’or en plein territoire indien au cœur des Black Hills, Paha Sapa « au cœur de tout ce qui est ». Dans ce pays en crise depuis l’effondrement boursier de 1873, c’est une opportunité que les milieux d’affaires ne souhaitent pas laisser échapper. C’est le début de notre histoire, la première pierre des conséquences qui trouveront leur achèvement 14 ans plus tard, en 1890, avec le massacre de Wounded Knee par le septième de cavalerie. La collection La véritable histoire du Far -West se concentre sur la bataille de Little Big Horn. Comment une défaite d’un général présumant de ses forces en divisant son armée en trois colonnes crée sa perte.

C’est la figure du général Custer qui deviendra martyr. Ce sont ces heures décisives que développent de façon précise et empreinte de tragédie les deux scénaristes Luca Blengino et David Goy. Sous le regard du conseiller historique Farid Ameur, ils réussissent, comme dans toute cette collection, le tour de force d’allier l’histoire, l’aventure, l’épique et ici la tragédie antique. Custer, Sitting Bull, et Crazy Horse sont trois figures indissociables que les dieux n’auraient pas reniées. Custer est peut-être en quête d’une renommée qu’il a perdue, souhaitant retrouver la gloire perdue. Sitting Bull dévoile une stratégie que cette Amérique arrogante n’imaginait pas. Crazy Horse, « ses chevaux ont le feu sacré » en lakota, meurt tragiquement assassiné en septembre 1877.

Ils réussissent le tour de force, Vercingétorix amérindiens, d’unir les tribus dans une alliance sacrée. D’un côté l’argent et le pouvoir, de l’autre le sacré et le magique, le respect de la nature. Les Black Hills Paha Sapa « au cœur de tout ce qui est » est un lieu sacré. Il faut imaginer la destruction du tombeau du Christ, de Notre-Dame, de tous lieux sacrés. L’histoire retiendra pendant longtemps le sacrifice d’un homme pour la gloire de son pays. Custer aura gagné son panthéon en mourant. Aujourd’hui, l’imprudence, la fougue, sont pointées du doigt par les historiens. L’album s’achève avec cette phrase de Sitting Bull « leur réaction ne tardera pas et sera impitoyable. Nous devons être prêts ». Ce dernier s’enfuira au Canada, alors que les tribus regagneront leurs réserves.

Les auteurs tracent un portrait juste de ces trois figures devenues mythiques. Antoine Giner-Belmonte déploie un dessin libre dépassant du cadre pour des grandes fresques aux couleurs jouant de l’ombre et de la lumière dans ce combat du bien et du mal. La chute de Custer dans l’esprit des représentations de l’époque, des cadres explosant cette colline où sont retranchés les hommes du septième, prend la forme d’un tableau de maitre. Souvent le dessin prend son envol sur deux pages, capte les visages et leur expression d’un drame shakespearien qui hantera le monde à jamais. Une fois de plus, la collection La véritable histoire du Far-West sait mélanger la rigueur de l’universitaire et l’imaginaire du romancier. Le lecteur trouvera à la fin de l’ouvrage un dossier complet qui lui ouvrira de nouveaux horizons.

Patrick Van Langhenhoven