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Les Grandes Batailles Navales Opium War

Scénariste

Jean-Yves Delitte

Déssinateur

Q-HA

Coloriste

Hiroyuki Ooshima

Edition

Glénat

Date de sortie

22 novembre 2023

couverture opium war
chroniques opium war 1

C’est à travers Jake, vétéran, et son neveu lieutenant que nous découvrons les comptoirs de commerce au bord de la rivière des Perles. Le jeune militaire vient tout juste de prendre son poste pour se confronter à un monde nouveau, loin de l’exotisme imaginé. C’est un bataillon à bout de souffle espérant le retour au pays. Son oncle ne porte pas dans son cœur le peuple chinois. Ailleurs, deux jeunes Chinois n’ont qu’une envie, retourner dans leur village. Ils n’aimeraient pas se confronter à l’armement des occidentaux. Cette atmosphère, que l’on retrouve dans d’autres colonies, n’est pas propice à l’entente des peuples. Pour changer la balance économique en leur faveur, les Anglais importent d’Inde un produit miraculeux, l’opium. Les Chinois ne pourront plus se passer de cette machine à rêver qui remplit les caisses de la perfide Albion. L’empereur de Chine n’a plus d’autre choix, face aux ravages des opiacés, qu’en interdire la vente. Ce choc des civilisations, économique et technologique, masque une révolution bien plus importante dont la guerre de l’opium sera le déclencheur.

La Chine est longtemps demeurée un mystère pour les royaumes d’occident. Le XVIIIe siècle voit se développer le commerce du thé, produit uniquement sur son sol, et fort apprécié des Anglais. Importer ce dernier au pays de la reine Victoria devient de plus en plus cher. Ils proposent des échanges de produits comme des montres, des télescopes et des armes. L’empereur, avec mépris, les qualifie de « babioles inutiles ». Les Anglais n’acceptent pas ce refus à but lucratif et menacent de leurs canons l’Empire chinois mal armé. La première guerre de l’opium trouvera son apogée à la bataille de Fasthan Creek, le premier Juin 1857. La fureur des canons anglais aura raison de la meute des jonques chinoises, plus nombreuses. Ce conflit s’achèvera avec Mao Zedong qui mettra fin à ce que les intellectuels chinois appelaient le « siècle de l’humiliation ». Jake et son neveu nous livrent le point de vue du colonisateur, porté par l’intérêt économique plus que par une logique de partage et de fraternité. A travers les deux jeunes Chinois, c’est un pays obéissant aux ordres de l’Empereur qui n’a pas encore effectué sa mutation. Ce dernier doit faire face à l’appât du gain des Occidentaux et des révoltes qui enflammeront bientôt l’Empire du Milieu. La guerre de l’opium verra l’Angleterre et la France humilier la Chine.

Les Etats-Unis gagneront une main-d’œuvre facile. Ce caillou jeté dans le lac n’a pas fini, encore aujourd’hui, de créer des remous. Yves Delitte nous livre un scénario précis du déroulement de la bataille en partant de l’assassinat d’un prêtre, en ouverture, prétexte à allumer la mèche du conflit. Comme toujours dans cette collection, c’est aussi un regard sur une civilisation, une époque, une façon de vivre. Le récit n’oublie pas d’évoquer les causes du conflit et ses répercussions. Q-Ha, jeune dessinateur coréen, nous entraine dans les méandres des rues et commerces des comptoirs. C’est un voyage sur le fleuve en compagnie des navires qu’affectionne Jean-yves Delitte, peintre de la marine royale belge. La précision du trait n’efface pas l’harmonie d’une fiction entre la rigueur historique et technique ancrée dans le quotidien des personnages. Dans un mélange de bande dessinée franco-belge et un soupçon de manga, Q-Ha trouve son style, parfait pour cette histoire. Quand les navires ne déploient pas leurs voiles et le feu de leurs canons, il croque le quotidien des troupes en attente. A la fin, le lecteur trouvera un dossier complet sur la bataille, joignant le plaisir de la lecture à celui de la connaissance. Cette collection et ce huitième tome montrent bien toute l’importance d’une bataille navale. Dans la guerre de l’opium, elle sera décisive, avec l’arrivée des navires de métal à vapeur, marquant la supériorité de l’Occident sur l’Orient qui se devait de muter rapidement.

Patrick Van Langhenhoven