Scénariste
Blutch
Dessinateur
Blutch
Coloriste
Daniel Blancou
Edition
Dargaud
Date de sortie
1 décembre 2023
« Je ne suis qu’un simple auxiliaire au service de la justice » Lucky Luke
Rubbisch Gulch, une petite ville de l’Ouest avec son saloon, ses danseuses montrant leur derrière, ses dames patronnesses, son shérif, ses voyous et ses bourgeois. Lucky Luke et Jolly Jumper viennent de livrer ce sacripant de Rufus Kinker. La prime en poche et toujours aussi solitaire, le cow-boy s’en retourne vers de nouvelles aventures palpitantes. Juste à la sortie de la ville, au cœur des arbres morts, l’attend une petite fille, Rose et son gros fusil. « Les bras en l’air Coyote ! » La gamine ne tarde pas à être rejointe par son frère Casper. « Il va pas tirer ! ». De retour en ville, bonne âme, il nourrit ces petits morfalous affamés. Direction l’école où la maitresse aux allures de Laura Ingalls prend en charge ces orphelins de la piste. Lucky Luke n’a aucune compétence, vous le devinez, dans le doux métier de parent. Le voilà lancé malgré lui, comme souvent, sur la piste d’un mystère qui le mènera loin. Il n’en a pas fini avec Rose et Casper Kinker qui l’entrainent à la poursuite d’une bande de vils coyotes. Et ça, Lucky Luke sait faire !
« El Paso la loi, l’ordre, et parfois la justice »
Nous fêtons les cent ans de la naissance du créateur de Lucky Luke, Morris. C’est le quatrième album de la série hommage, après Jolly Jumper ne répond plus (Bouzard), Lucky Luke se recycle (Mawil), Choco-boys (Ralf König). Chacun à sa façon explore une nouvelle voix du cow-boy solitaire et de son cheval. Blutch, au pseudonyme du petit caporal des Tuniques bleues se lance dans l’aventure. Il se livre à un exercice peu facile, mettre ses pas dans ceux des deux géants, Morris et Gosciny, pour un bel hommage. C’est la première fois que l’enfance se glisse dans l’histoire, avec deux chenapans et leur frère qui ne dénotent pas dans la galerie des Phil Defer, Billy the Kid, Calamity Jane, etc. Il n’est point question des Dalton, remplacés par Rose, un mélange de Calamity Jane et du Kid. La petite rebelle perturbe notre Lucky Luke légendaire, l’entrainant dans moult aventures de parent. C’est bien plus terrible que les bandits qu’il continue de pourchasser pour faire triompher la vérité. Notre cow-boy, qui en a connu d’autres, semble mal à l’aise face à Rose, déjà féministe et Casper, loin d’être un gentil fantôme. Plus que la trame scénaristique, c’est le jeu des hommages à chaque page, des dialogues ciselés et une galerie de personnages issus de l’univers du western.
Dès le titre, nous pensons à Kirk Douglas dans Seuls sont les indomptés ou à Clint Eastwood dans Un monde parfait. Blutch compose une partition de dialogues au second degré, dans la tradition de Goscinny. Il nous rappelle toute notre enfance, nos lectures la larme à l’œil, quand le car nous emmenait en colonie de vacances. Nous nous raccrochions aux aventures de Lucky Luke pour oublier l’abandon de nos mères. Nous retrouvons avec bonheur toutes ces figures de l’ouest croquées par l’humour insolent de Blutch. La grande thématique de cet album pourrait être l’éducation et la loi à travers des petits bouts de patchwork formant une couverture. Vous trouverez aussi pêle-mêle, le racisme, la crise du logement, les bourgeois, l’administration. Pour les figures iconiques, nous retrouvons le shérif, les Indiens, les bandits, les vieilles dames patronnesses, la maîtresse d’école, le saloon, les prostituées, les bourgeoises et bien d’autres. Ce sont plus les figures secondaires de la saga qui l’intéressent. A la fin du voyage, Lucky Luke restera à jamais le cow-boy solitaire. La piste s’éteindra avec son dernier coucher de soleil, sans descendant. Les deux charmants bambins lui auront définitivement ôté toute idée de fonder une famille.
Patrick Van Langhenhoven