Scénariste
Jérôme Le Gris
Déssinateur
Benoit Dellac et Paolo Martinello
Coloriste
Benoit Dellac et Paolo Martinello
Edition
Glénat
Date de sortie
6 septembre 2023
Notre histoire commence dans les âges sombres du chaos quand les dieux et les hommes s’affrontaient dans une bataille sans fin. Pendraig Rù, le roi Dragon, réunit les clans dispersés sous sa bannière. Brandissant l’épée Calibur, aidé des aigles de Lug, le fils de lumière, le roi Dragon terrassa le Hurleur le loup de Crom, le dieu noir. C’est ainsi que naquit la légende et que l’épée retourna dans les eaux du lac par la volonté de Lug. Car personne n’était prêt à brandir une arme aussi puissante. Quand notre histoire commence, les hommes s’affrontent de nouveau pour les yeux d’une belle, pour un morceau de terre, un bout de ciel, le pouvoir sans nom qui sème le chaos. Arthur et ses compagnons s’apprêtent à affronter Cadwel, un vieil homme convoitant la jeune Elwen, fille d’un roi sage. Le jeune Arthur brise le cercle des armées ennemies entourant le château. Il sauve Elwen, son aimée, la fille de Léodan mort pour un royaume. Ailleurs, un autre père punit son fils Mordred, l’envoyant aux confins du monde connu. Nimue, la Dame du lac, appelle Merlin pour que renaisse du fond des eaux l’épée Calibur. Dans ce chaos des hommes et des clans divisés, ils ont tous leur rôle à jouer, portés par quelque chose de bien plus grand que les dieux, le destin. Chacun devra accepter la place qu’il lui donne pour que le monde des dieux anciens ne disparaisse à jamais. Déjà s’éveille une nouvelle conscience, portée par les serviteurs d’un fils mort sur une croix et ressuscité. Ainsi s’achève le prologue d’une histoire qui embrasera la terre et dont nous portons encore le souvenir.
Jérôme Le Gris s’était illustré à travers la Renaissance avec Horacio d’Alba empruntant au chant du poète William sa trame de lutte pour le pouvoir. Il récidive en s’emparant à sa façon du mythe d’Excalibur. Il plonge sa plume aux origines du chant séculaire, quand la parole remplaçait les écritures autour du feu chassant l’ombre. C’est un récit épique et tragique qui soulève la poussière des Dieux ancestraux et réveille les tombeaux des mots perdus. C’est une pierre de plus à cette vieille saga portée par les fils de la déesse Danu, Tuatha dé Danann. Il commence par les âges sombres, quand les dieux fréquentaient encore les hommes, remontant aux origines de la légende. Dans une ouverture flamboyante, un premier chant antique peut être la bataille de Magh Tuireadh. Il s’achève par le départ des légions romaines. Le dessin explose dans des pleines pages aux compositions chaotiques, aux gueules de loups et d’hommes hantés par la violence de la naissance du monde. La légende appartient au mythe originel remontant aux temps les plus archaïques, repris à chaque époque par des auteurs qui rajoutent une pierre à l’édifice. En bandes dessinées elle connait des variations diverses. Nous retiendrons David Chauvel et son admirable Arthur, Rodolphe et le remarquable Les écluses du ciel, Cothias Les héros cavaliers, une variation de Servais Pour l’amour de Guenièvre, pour le reste, on préfère oublier.
Jérôme Le Gris choisit de remonter aux racines du mythe quand le chant s’élève des eaux tumultueuses portées par la voix des bardes. Le récit prend des couleurs épiques aux dialogues percutants, remodelant les personnages et l’histoire. Ils apportent un ton mélangeant les sagas anciennes, aux plus récentes, Le seigneur des anneaux, Conan, loin de la chevalerie courtoise de Chrétien de Troyes. Nous sommes plus proches d’Aneirin Honore, une des premières mentions d’Arthur, du Brade Blehdri, Geoffroy de Monmouth et plus proche de nous, Jean Markale. Le dessin de Benoit Dellac et Paolo Martinello prend ses aises dans de grandes cases aux batailles dignes des gravures et peintures anciennes. Elles vous emportent au cœur de la noirceur de l’âme quand le monde sortait de la nuit, couleur principale de l’album. Au feu et à la pierre des premiers âges, ils opposent aux visages marqués par le néant de l’âme, les décors somptueux se taillant la part belle avec des paysages vierges aux montagnes antiques. L’eau, pont entre les vivants et les morts, se glisse dans le décor annonçant une présence plus forte à venir. La symbolique des lieux, des objets, se dévoile au regard du connaisseur qui sait chercher dans les profondeurs du trait acéré des dessinateurs. C’est un premier album qui ne renouvelle pas la saga mais lui donne un nouveau souffle que nous aimons beaucoup.
Patrick Van Langhenhoven