Scénariste
Makyo
Déssinateur
Sasa
Coloriste
Sasa
Edition
Delcourt
Date de sortie
5 avril 2023
C’est l’histoire de Nathan, un jeune autiste de 30 ans. Il est considéré comme particulier par la société, sincère, avec un don pour l’informatique. Au cours de dessin, il rencontre Mathilde, une jeune fille vive et sensible. Ils se croisent, s’apprivoisent, se cherchent sur le chant du destin qui se fout bien du normal ou pas. Autour de ces deux âmes, déjà dans le territoire particulier du cœur qui fait boum, gravitent d’autres galaxies. Ivan est raide dingue de la mère de Juliette, modèle au cours de dessin. Claire grignote pour compenser un monde qu’elle ne comprend pas. Juliette a le cœur qui flanche et son père est aux portes de l’Hadès. Sa mère s’en fout pas mal. Tourne aussi dans cette valse à mille temps, Johanna en colère, Inès l’ombre qui suit le mouvement. La mort du père de Juliette et la disparition de la jeune fille servent de catalyseur à une tension intérieure qui finit par exploser. Ailleurs, le monde semble pris de folie, la météo est en colère contre ces petits êtres insignifiants pensant tout savoir, tout dominer.
« Nous sommes dans un monde où tout meurt tout le temps, sauf ce sentiment indéfinissable qui fait qu’en amour comme en amitié, je suis bien avec toi, avec moi, ce sentiment ne meurt jamais et il se reproduit indéfiniment. » Poète Chinois.
Ce sont nos âmes et l’amour qu’explore le récit à travers sa galerie de personnages, ces petits riens qui palpitent au gré du vent des émotions. Nous apprendrons que la normalité, les cases pour enfermer les gens, ne servent pas à grand-chose aux yeux de l’univers. Makyo nous entraine, une fois de plus, dans une histoire simple qui prend très vite les couleurs du merveilleux. La différence se retrouve au centre de son récit comme dans son œuvre en général. Il sait, en quelques mots, capter l’essentiel dans un texte proche de la ligne claire. Ligne claire, dessin que choisit Sasa dans un trait épuré et des couleurs symbolisant les sentiments des personnages. Le dessin, au centre du récit, nous renvoie peut-être à l’image de nous-mêmes et du monde.
Comment nous percevons celui-ci et retranscrivons-nous ce que nos yeux et notre cœur nous dictent ? Sur la fin, l’histoire prend le vert et le noir de l’écologie en colère. Chaque héros de cette fable acquiert du relief au fur et à mesure pour nous rappeler que les apparences sont très souvent trompeuses. Romance et narration, aux frontières du fantastique, nous emportent, nous interrogent sur l’autiste, la jeune fille peu ordinaire, celle sans apparences cachant une fracture profonde que nous ne savons pas voir. Le récit nous rappelle d’être attentif aux autres, d’écouter leurs âmes dans un chant In Shin Denshin, sans paroles, d’âme à âme. C’est le premier roman graphique, psychologique et social de Makyo, brassant les thématiques d’une œuvre qui n’a de cesse de nous interpeller sur nos sentiments, l’amour, et une certaine quête de l’éveil. Makyo et Sasa nous proposent un album à méditer, dans une collection toujours de qualité qui n’est pas un « Mirage », même si elle en porte le nom.
Patrick Van Langhenhoven